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Des étudiants étrangers à Paris 8 : parcours et manières de vivre l’université Aude Béliard, Anne-Julie Auvert et des étudiants en sociologie de Paris 8
La mise en regard de deux enquêtes par questionnaire auprès d’étudiants de Paris 8 (l’une ciblée sur les étudiants étrangers de tous niveaux en 2006-2007, l’autre sur l’ensemble des étudiants de DEUG en 2002-2003, les deux réalisées avec le concours d’étudiants inscrits en Licence de sociologie dans des cours de méthodologie) a permis d’esquisser un portrait des étudiants étrangers et de leurs conditions de vie.
Les étudiants qui ont quitté leur pays pour suivre leur cursus universitaire en France – en situation de mobilité internationale – sont en moyenne plus âgés que les autres, et il sont aussi pour certains d’origine sociale légèrement plus aisée, à condition que la comparaison entre les professions des parents ait du sens d’un pays à l’autre. Ils sont aussi particulièrement confrontés au problème du financement de leurs études, dans la mesure où la proportion de boursiers parmi eux est faible. Cela n’implique pas qu’ils exercent plus souvent que les autres un emploi salarié parallèlement à leurs études, mais quand ils le font, ils n’exercent pas les mêmes emplois que les « résidants » et ont un temps de travail hebdomadaire plus long.
Les étudiants étrangers présentent leur venue en France, et plus spécialement à Paris 8, comme un choix positif. Ils envisagent moins que les autres d’aller poursuivre des études ailleurs, et veulent persévérer à Paris 8 dans la discipline choisie, jusqu’à des diplômes élevés. On peut faire l’hypothèse que leur mobilité internationale s’inscrit dans un fort investissement dans les études, qui se traduit par un engagement plus fort dans l’université d’accueil et des projets professionnels ambitieux.
Leur bilan sur l’université, en particulier sur l’accueil et l’accès aux informations, est mitigé. La rencontre de difficultés scolaires s’accompagne souvent d’une posture critique ; mais les étudiants deviennent aussi de plus en plus critiques à mesure qu’ils sont arrivés depuis plus longtemps, comme s’ils étaient peu à peu désenchantés, tout en ayant acquis la légitimité nécessaire pour remettre en question l’institution universitaire.
Ces réflexions montrent également qu’on ne saurait faire de ces étudiants « en mobilité internationale » une catégorie à part. Ils se présentent en effet comme une population très hétérogène, aussi bien du point de vue de leur origine sociale que de leur origine géographique : les européens évoquent notamment moins de difficultés que les autres dans leur accès aux informations et leur accueil par l’université.
Souvent la catégorie d’étudiants étrangers en mobilité internationale perd de sa pertinence et gagne à être élargie, dans des directions différentes selon les thèmes abordés. Ainsi il peut être pertinent, pour certaines facettes de leur vie d’étudiant, de les regrouper avec l’ensemble des étudiants « en mobilité », qu’ils soient de nationalité étrangère ou non, venus de pays étrangers ou de province… Ces nouveaux venus, au sens large, se distinguent des « locaux » en ce qu’ils sont issus de milieux plus favorisés, sont moins souvent boursiers et se concentrent dans certains types d’emploi. Mais les étudiants en mobilité internationale peuvent partager certaines de leurs difficultés avec des étudiants « locaux » de nationalité française : la compréhension des cours est souvent difficile pour les étrangers mais aussi pour des étudiants ayant passé un bac français, dont les deux parents sont étrangers. Enfin les difficultés rencontrées dans l’accueil et l’accès aux informations sont assez peu spécifiques aux étudiants étrangers, et tendent à concerner l’ensemble des étudiants nouvellement inscrits.
Ceci doit nous faire revenir sur la définition des étudiants étrangers : pour décrire les conditions de vie des étudiants, le critère de la nationalité suffit rarement. Mais la définition de l’UNESCO, dont nous nous sommes inspirée et qui met l’accent sur la mobilité internationale , ne doit pas être réifiée. Se sentir « étranger » à l’université, ce peut être aussi avoir connu un changement d’univers, quel qu’il soit, ou vivre au quotidien un décalage entre la culture familiale et la culture universitaire. Une amélioration de l’accueil ne pourrait être profitable qu’appliquée largement, par exemple pour tous les étudiants arrivant en première année, et non pas ciblée vers les seuls « étudiants étrangers ». Ajoutons à cela que l’attention aux étudiants étrangers ne doit pas occulter l’importance de certaines variables sociologiques : parmi les étrangers comme parmi les étudiants résidants, les difficultés d’accès aux informations et de suivi des études touchent plus durement les étudiants issus des milieux les plus défavorisés.
Date de création : 04/06/2007 @ 15:30
Dernière modification : 04/06/2007 @ 15:31
Catégorie : Accueil étudiants étrangers
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